La boucherie des amants by Gaetano Bolan

La boucherie des amants by Gaetano Bolan

Auteur:Gaetano Bolan [Bolan, Gaetano]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


CHAPITRE VIII

Où les amants se font de petites morsures

Dolores ne s’installa pas chez Juan. Fière de son autonomie, elle tenait fermement à garder son petit appartement.

— Si ton amour pour moi fond comme neige au soleil, j’irai danser au Paradis. Et s’il devient neige éternelle, alors… alors nous verrons bien !

Il n’avait pas fallu plus d’une danse et d’une nuit de carnaval à Juan pour tomber amoureux fou de l’institutrice. Il sifflotait à la boucherie, faisait des « Oh ! » et des « Ah ! » bruyants en coupant la viande. Il redoublait de gentillesse avec les vieilles. Taillait des tranches plus généreuses à ses clients. Et ne manquait pas d’offrir des bonbons aux gamins qui tortillaient du cul en s’emmerdant dans la boutique. Seul le voleur de saucisses s’y entendait pour réveiller son courroux.

Le boucher Juan passa de plus en plus de temps à faire sa toilette. Il se tailla les poils du nez et des oreilles, se rasa plus soigneusement. Il brossait ses dents avec application, devant, derrière, au fond, dans les coins. Le soir avant de se coucher, il faisait des abdominaux, effectuait plusieurs séries de pompes, suivies d’exercices savants qui étaient censés lui faire perdre son ventre. Il enfilait ensuite son caleçon, buvait un grand verre d’eau. Avant d’éteindre la lumière, il embrassait la petite croix en or qu’il portait autour du cou. Puis il s’endormait, en pensant à la belle institutrice.

Dolores passait tous les matins à la boucherie, juste avant d’aller à l’école. La boutique n’était pas encore ouverte que déjà Juan l’attendait, le cheveu fraîchement gominé. Il préparait un café très serré, qu’ils buvaient en bavardant quelques minutes. Alors l’enfant Tom déboulait, mèches en bataille. Son père boutonnait sa chemise, lui tirait l’oreille gentiment.

— Tu seras bien sage avec Dolores, d’accord ?

— Oui Papa !

L’institutrice prenait toujours un instant avant le départ ; elle caressait doucement la joue glabre du boucher, puis tendait sa main en la retournant : Juan y déposait un baiser. Enfin Dolores emmenait Tom à l’école.

Certains soirs, les amoureux se retrouvaient, chez l’un ou chez l’autre, après que le boucher eut couché l’enfant Tom. Juan buvait quelques verres de feu, sans parvenir à convaincre Dolores d’y goûter. La jeune femme préférait l’eau fraîche. La chaleur leur servait toujours d’excuse pour se déshabiller. L’institutrice faisait une moue gourmande, arrondissant les lèvres comme elle l’avait vu faire au cinéma par les actrices d’Hollywood. Juan faisait glisser les bretelles de son caraco avec ses doigts de boucher, puis l’accompagnait jusqu’au lit. La jeune femme l’accueillait. Juan plongeait dans les parfums de Dolores, la respirait toute : l’odeur de ses cheveux, de sa peau l’enivrait. Il l’effleurait doucement, glissait jusqu’à sa bouche. Les amants s’embrassaient, se faisaient de petites morsures. Dolores caressait la nuque du boucher, le décoiffait. Au creux de son oreille, elle entendait son souffle. Qu’arrachaient-ils aux ténèbres en mélangeant leurs salives, en échangeant de longs regards ? Leurs yeux brillaient. Quand ils se donnaient l’un à l’autre, le monde basculait. Juan et Dolores avaient le cœur pur.



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